France

Éboulements dans la Vallée de la Maurienne : un risque accru pour les populations de Savoie

12 Septembre 2023

Le 27 août dernier, un éboulement spectaculaire s’est produit en Savoie, entre les villes de Modane et Saint-Jean-de-Maurienne. Au total, ce sont environ 15 000 mètres cubes de rochers qui se sont écroulés, endommageant par ce biais l’autoroute A43 et la ligne de chemins de fer reliant la France à l’Italie. Ce phénomène représente-t-il un danger pour les populations de la vallée de la Maurienne ? Et quels sont les risques à envisager dans les prochaines années ?

 

En Savoie, les éboulements sont des phénomènes naturels normaux. En effet, il s’agit d’évolution naturelle des falaises et versants rocheux. Bien que les risques soient réels, tant d’un point de vue humain que matériel, les éboulements et glissements de terrain restent courants. C’est pour cela que 171 communes de Savoie sont couvertes par un Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPRN), et 122 communes en Haute-Savoie. Dans ces deux départements, le risque d’éboulement est accru en raison du relief montagneux et rocailleux.

Toutefois, l’éboulement survenu le 27 août dernier reste un phénomène surprenant par son volume : en outre, ce sont des dizaines de milliers de mètres cubes qui se sont effondrés en l’espace de quelques secondes. Si les premiers relevés estimaient l’éboulement à environ 10 000 mètres cubes de roches, cette estimation a été revue à la hausse quelques heures plus tard : au total, il s‘agit bien d’un éboulement d’un volume de 15 000 mètres cubes.
Un point de situation établi quelques heures plus tard avec les autorités locales (ainsi qu’un survol de la zone en hélicoptère) a permis d’établir qu’environ 5000 mètres cubes de roches restent encore instables, prêts à se décrocher de la falaise à tout moment.

Mais comment expliquer l’importance de cet éboulement ? La raison, selon plusieurs experts, au changement climatique. En outre, la vague de chaleur qui s’est abattue sur la France la semaine du 20 Août s’en est suivie par des pluies diluviennes dans la région. Ces deux phénomènes très rapprochés auraient engendré un réchauffement du permafrost, qui aurait par la suite causé cet éboulement sans précédent. Ludovic Ravanel, géomorphologue et directeur de recherche au CNRS, explique que cette fonte du permafrost n’est pas nouvelle : cependant, elle s'est fortement accentuée dans les dernières décennies, causant une augmentation conséquente des éboulements dans les Alpes françaises chaque année. En 2022, ce sont presque 300 éboulements de plus de 100 mètres cubes qui ont été comptabilisés.

 

Changement climatique dans les Alpes : en Savoie un risque non-négligeable

Si le changement climatique impacte toutes les régions de France, les risques à terme sont particulièrement dangereux dans les terrains les plus montagneux, comme dans les Alpes et les Pyrénées. Dans la Vallée de la Maurienne où s’est produit l’éboulement et à plus large échelle en Savoie, ce risque tend à s’accentuer. Ludovic Ravanel précise que "cette accélération s’observe nettement depuis les années 1990. Aujourd’hui, les éboulements se produisent bien en dessous de 2500 mètres d’altitude, altitude à laquelle se situe le permafrost : preuve substantielle de la fonte de ce sol fondamental à la stabilité des reliefs de haute montagne".

Dès lors, à quoi doivent s’attendre les populations savoyardes dans les prochaines décennies ? Les éboulements devraient manifestement se multiplier, selon la tendance actuelle. D’après Mathieu Dechavanne, PDG de la Compagnie du Mont-Blanc qui assure un suivi du site du Mont-Blanc et de ses alentours, on constate une nette augmentation des éboulements depuis vingt ans. La preuve en esr de l’éboulement du 27 août dernier, qui a suivi un éboulement similaire en date du 23 août de 10 000 mètres cubes sur la face nord de l’Aiguille du Midi.

 

Quelles mesures de prévention mettre en place ?

Pour prévenir les futurs éboulements et mettre en sécurité les populations, de multiples solutions existent. 

Dans les communes à risque, deux documents d’information peuvent être consultés par les citoyens :

  • le Dossier départemental des risques majeurs (DDRM) : établi sous l’autorité du préfet, il recense à l’échelle d’un département l’ensemble des risques majeurs par commune, explique les phénomènes et présente les mesures de sauvegarde.
  • le Document d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM) : élaboré par le maire, il présente les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde spécifiques prises pour sa commune.

Par ailleurs, tout acheteur ou locataire d’un bien immobilier bâti ou non bâti situé dans le périmètre d’un Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPRN) prescrit ou approuvé doit en être informé. Nous conseillons à tout citoyen en projet d’achat ou de location dans une zone considérée comme instable de se renseigner également sur ce point, afin de sauvegarder leur bien futur et leur sécurité.

Du côté des collectivités locales, il est aussi possible d’agir sur la réduction de la vulnérabilité des enjeux. Par exemple, dans le cadre d’éboulements comme ceux en Savoie, il pourrait être envisagé de renforcer les façades exposées aux chutes de blocs. Ces travaux de prévention, à défaut de pouvoir empêcher de futurs éboulements, permettraient de limiter les éventuels dommages causés par ces derniers. Enfin, les communes les plus exposées peuvent solliciter la réalisation d’une étude géotechnique dans les zones susceptibles d’être affectées par un mouvement de terrain.

Sixtine Pillière
Photo : Le DL - Tom Pham Van Suu


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