Témoignage de sinistrés

"Toute une vie de boulot perdue" : la tempête Alex est passée par là, il y a 11 mois

3 Septembre 2021

Il y a onze mois, la tempête Alex a violemment frappé la France. Le département des Alpes-Maritimes a été fortement impacté. D’importants dégâts matériels mais aussi des pertes humaines sont à déplorer. À Saint-Martin-Vésubie, nombreuses sont les habitations qui ont été emportées par les eaux. Josiane Gratay et son mari Jean-Claude sont des rescapés. Ils ont tout perdu après le passage de la tempête. Entre colère et résilience, elle nous raconte son histoire.

 

Josiane et Jean-Claude Gratay pensaient passer tranquillement leur retraite à Saint-Martin-Vésubie, dans les Alpes-Maritimes. Depuis 2010, ce couple habitait dans un chalet qu'ils avaient fait construire sur leur terrain. Cependant, le passage de la tempête Alex, début octobre 2020, a chamboulé leur vie « le jour de la tempête, nous étions chez nous. Nous gardions notre petite fille de 18 mois que j'avais mis à la sieste. Il pleuvait fort comme souvent lors des orages de montagne. À un moment donné, je suis sortie dans le jardin et ce jour-là j’ai dit à mon mari : "on s'en va" » témoigne Josiane. En effet, la violence des précipitations n'avait rien d'habituel. En peu de temps, la Vésubie, ce cours d'eau de montagne pourtant si tranquille, s'était transformée en géant fleuve déchaîné. L'instinct de cette jeune retraitée ne lui aura pas fait défaut. Avec leur petite fille et les deux chiens, ils ont quitté le chalet rapidement mais la route était déjà dévastée : « Il y avait les câbles électriques par terre, elle commençait déjà à se fissurer, il y avait des pierres. Mon mari a zigzagué pour arriver au village » nous confie-t-elle. Ce n’est non sans difficulté qu'ils sont parvenus, tous ensemble, à rejoindre le centre du village « j’étais en colère car on était tranquille à la maison, la route est dévastée et personne n'est prévenu. Il n'y a pas de sirène, rien, pour avertir les gens » explique-t-elle.

 

Une évacuation tardive

En attendant d'être évacuée, la famille Gratay a été logée dans une chambre sans eau ni électricité. Après une nuit agitée, c’est une deuxième journée de galère qui se préparait pour les sinistrés. Ils attendaient d’être évacués mais les heures passent et personne ne les appelait « toute la journée nous avons attendu d'être évacués par hélicoptère car nous étions marqués sur la liste des prioritaires pour être rapatrié mais toute la journée une personne changeait la liste donc nous n’y étions plus. » C'est seulement le soir, après que Jean-Claude se soit déplacé à la mairie pour savoir où en était leur évacuation qu'une partie de la famille a enfin pu quitter les lieux « nous avons été évacuées avec la petite mais pas mon mari car nous avions deux chiens. Et enfin, mon fils est venu nous chercher à l'aéroport de Nice. À l’aéroport, nous avons été très bien accueillis, il y avait des psychologues, ils se sont très bien occupés de la petite.»

 

Après la colère, la résilience

Après l'évacuation de toute la famille, Josiane et Jean-Claude se sont rendu compte qu'ils ont échappé au pire... Avec le recul, une colère grandit envers les autorités locales « j’étais en colère parce qu’on aurait pu mourir plusieurs fois et on n’a pas été averti rien du tout. Quand j'ai dit à la mairie "vous auriez pu nous évacuer et nous avertir" elle m'a répondu "bah c'était alerte rouge". Mais ils avaient dit aux gens de rester chez eux. Sauf que si on était resté chez nous, on partait avec le chalet. Du chalet il n’y a plus rien et du terrain non plus. Comme-ci rien n’avait existé . Il y a des personnes en dessous de chez nous qui sont parties avec leur habitation. »

Un sentiment d'abandon se fait également ressentir. Les deux retraités, n'ayant plus rien qui leur appartiennent à Saint-Martin-Vésubie, ont décidé de refaire leur vie dans le département du Var. Ils n'ont reçu aucun soutien pour se reconstruire dans leur ancien village « on est encore choqué et on n’est pas aidé. Nous, on est partis, on s'est installé dans le Var car ça nous permet d'avoir un cadre différent, pour se reconstruire. Mais on se sent littéralement abandonné. Parce qu’on ne retourne pas habiter là-haut. On attend dire que les gens qui sont partis ne sont pas de bonnes personnes... Alors que vous n'avez plus de maison, plus de terrain, plus rien... c'est difficile à assumer tout ça. » Pour ces sinistrés, c'est une vie entière de travail qu'ils ont perdu après le passage de la tempête Alex.

 En s'installant dans un autre cadre, celui de la mer, Josiane et Jean-Claude parviennent enfin à trouver la paix. Actuellement, les deux retraités font des travaux dans leur nouvelle maison. L'envie d'aller de l'avant et de profiter de leur retraite deviennent les priorités de ce couple rescapé.

Cassandra Parpex (Partagence)