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Témoignage de Marina, vivant à Beyrouth : elle et sa famille sont des victimes de l'explosion

29 Septembre 2020
Le 4 aout 2020, Marina quitte son travail à 18 heures et prend la direction de sa maison. A 18 h 06, au moment exact de l'explosion, Marina se trouve sur l'autoroute, tout proche du port. "J'ai entendu un bruit d'explosion mais pas aussi fort que les autres le disent, peut-être car mes fenêtres de voiture étaient fermées. C'est un bruit auquel nous sommes habitués au Liban, j'ai pensé à un assassinat ou une station essence qui explose". Marina a tout de suite essayé d'appeler ses parents mais n'a pas pu les joindre, heureusement son frère a décroché, il ne comprenait pas ce qu'il se passait également. Marina décrit l'horreur autour d'elle : "Tout le monde était paniqué, les gens garaient les voitures partout, les gens étaient blessés, les corps en sang. Tout était noir autour de nous. Moi je n'ai pas garé ma voiture, je conduisais doucement, j'essayais de rejoindre mon frère qui se trouvait sur l'autoroute quelques km devant moi.
 
Finalement, celle qui est originaire du village d'Ehmej, dans les Monts Liban a réussi à joindre son père par téléphone. Tout ce qu'elle entend à ce moment, ce sont des cris. "Les cris étaient horribles, et moi je ne savais toujours pas ce qu'il se passait, je ne comprenais pas". Lorsque Marina quitte l'autoroute et entre dans le quartier de Achrafieh, là où se trouve sa maison, elle ne reconnait rien autour d'elle. "Je n'étais pas à Beyroth, c'était une scène de guerre : les gens marchaient avec du sang partout, les enfants couraient pieds nus dans la rue, c'était un chaos complet". 
 
"On a aidé nos voisins également dont les maisons étaient complètement détruites."
 
En arrivant proche de chez elle, un homme frappe sur sa fenêtre et lui demande si elle peut emmener des blessés à l'hôpital Geitawi. "Moi je ne savais toujours pas ce qu'il se passait ; j'ai dit oui bien sûr. Ma voiture étant petite, je n'ai pu prendre que 3 personnes : deux hommes et une femme. Ils étaient gravement blessés". L'hôpital Geitawi étant complètement saturé et détruit, Marina prend la direction d'un autre hôpital, à Sassine. Il faudra près d'une heure pour parcourir quelques centaines de mètres, les routes sont inaccessibles et des morceaux d'immeubles risquent de se décrocher à tout moments. 
 
Lorsque Marina réussit finalement à déposer les blessés, elle reprend la direction de sa maison. "Il me faut quarante cinq minutes pour arriver chez moi. Sur le chemin j'ai compris qu'une chose très grave s'est passée car tout était détruit autour de moi". En arrivant devant chez elle, Marina a peur de rentrer dans sa maison : "Après tout ce que j'ai vu sur la route, j'étais terrorisée. Je voulais juste m'assurer que mes parents étaient en vie". Les parents de Marina allaient bien et n'étaient pas gravement blessés, une partie de la maison était en revanche endommagée. "On a essayé de nettoyer et de fermer la maison pour pouvoir nous rendre vers notre village. On a aidé nos voisins également dont les maisons étaient complètement détruites. Hamdella, nous avions Ehmej pour dormir. Nous avons été tellement chanceux car aucun de nous n'a été physiquement touché. Ce que nous avons vécu n'est rien comparé à d'autres". 
 
"Rien n'a changé, les politiques ont continué comme si de rien ne s'était passé."
 
Marina et sa famille sont retournés quatre jours après dans la capitale pour récupérer des affaires et continuer à nettoyer la maison. La semaine suivante, les ONG ont commencé à venir chez eux et à leur proposer des aides. "Les gens aidaient partout, tout le temps. Des gens qu'on ne connaissait pas, c'était si beau, c'est ça l'espoir." 
 
Il aura fallu six semaines pour réparer la maison de Marina. Le mois suivant l'explosion, elle et tous les habitants de Beyrouth ont le cœur brisé. "C'était toute ma vie, ces rues, ce quartier, mes voisins, j'ai grandi avec eux". Un mois plus tard, Marina n'a plus d'espoir : "Rien n'a changé, les politiques ont continué comme si de rien ne s'était passé. Chez certains jeunes, leurs pensées n'ont même pas changé : ils défendent encore leurs partis politiques, ils veulent toujours les mêmes leadersLa vie a repris comme si de rien n'était". Et de rajouter "Mais non, des bébés ont été tués dans leur maison, dans leur propre lit". 
 
Marina ne croit plus en son pays, "si après une tragédie pareille, notre mentalité et le fonctionnement du pays ne changent pas, rien ne changera jamais". Malgré tout, Marina, du haut de ses 26 ans, ne veut pas quitter le Liban, sa vie, sa famille et son travail sont ici et elle ne se sent pas capable de partir.
 
Lou-Andrea Ziadé