Paroles d'experts

Eric Grohin, chef des pompiers du Var - Photo Doc Nice Matin

3 questions au chef des pompiers du Var...

"Généraliser l'attaque massive et rapide des feux naissants nécessitera des moyens supplémentaires"

Le colonel Eric Grohin est le chef des pompiers du Var et chargé en France des formations de commandement de lutte contre les incendies.

Question : Quelle expérience peut-on tirer de la lutte contre les feux en Méditerranée où ils sont particulièrement fréquents ?

Eric Grohin : "La doctrine qui est enseignée en France pour éteindre les feux de forêt repose sur une détection rapide par le biais de caméras, de  guetteurs... puis sur une attaque rapide et massive par les airs et au sol. Cette coordination aéro-terrestre nous caractérise. Cette technique permet  dans les départements du Sud d'arrêter entre 97 et 99% des feux avant qu'ils n'atteignent cinq hectares. Dans le Var, sur les 3.278 feux qui se sont  déclarés en 20 ans, seulement trois ont dépassé les 5.000 hectares. L'enjeu dans les années futures sera donc d'appliquer cette doctrine partout en France. Dans les départements de Méditerranée, on loue des hélicoptères, peut-être qu'à un moment donné, il faudra envisager des locations d'hélicoptères dans les autres départements pour réagir très vite. En effet, cette année, c'est tout le territoire national qui a des conditions climatiques quasi similaires à celles du Sud: des températures caniculaires, un taux d'humidité dans l'air très bas (entre 10% et 15%), du vent. Des gros feux, on en a toujours eu, ce qui change aujourd'hui, c'est leur fréquence. Dans le Sud, on a eu des conditions extrêmes favorisant les incendies quasiment tout l'été, alors qu'avant c'était pendant deux ou trois semaines".

Q : Est-ce qu'on peut comparer les incendies français aux méga-feux des Etats-Unis ?

E.G. : "Il est difficile de les comparer. Les Américains ont inventé cette appellation parce qu'ils ont des feux qui rentrent dans les villes et qui font des dégâts à la fois humains, économiques...Leur habitat est souvent en bois, pas comme chez nous, ça change beaucoup de choses. Et globalement, ils  n'appliquent pas la même méthode que nous et ne mettent le paquet que lorsque les feux arrivent sur des lotissements, ce qui explique que les incendies
peuvent atteindre 40.000 hectares. Néanmoins, les feux de Gironde sont "hors-norme" de par leur superficie et leur vitesse de propagation qui   s'accompagnent d'une gestion de crise avec des évacuations ou confinement de la population".

Q : Des renforts d'autres départements et de plusieurs pays européens ont été envoyés sur zone, comment se passe la coordination ?

E.G. : "Entre départements français, il n'y a aucun problème, tous les officiers sont susceptibles de commander la lutte contre les feux et tous les pompiers sont formés à la même école à Valabre (Bouches-du-Rhône). Vous pouvez mettre un officier du Pas-de-Calais dans un poste de commandement ce qui était le cas au feu de Gonfaron (dans l'arrière-pays de Saint-Tropez en août 2021), il saura exactement quoi faire. Quand on travaille avec des pays étrangers, c'est toujours plus compliqué, mais c'est très bien d'avoir fait appel à eux, cela nous permettra de voir dans le futur ce qu'on doit améliorer. Des pompiers sont par exemple arrivés aujourd'hui avec des raccords qui ne sont pas adaptables à nos tuyaux en France, mais on a des pièces intermédiaires et on a résolu le problème. En France, la priorité est aux feux naissants parce qu'on essaie de ne pas avoir en simultané de gros feu partout de façon à ce qu'on se concentre sur un seul feu, donc les moyens étrangers iront très certainement sur les gros feux pour que les renforts venus des autres départements à risque puissent retourner chez eux. Par ailleurs, les feux hors-norme sont très longs à éteindre et la fatigue du personnel se fait sentir. Or, on est encore qu'au 15 août, la saison n'est pas finie".

Propos recueillis par Estelle EMONET (AFP)

Entretien réalisé le 12/08/2022

 

 

Qu’est-ce que la plateforme collaborative de repères de crues ?


Les repères de crues indiquent le niveau d’eau maximum atteint par une inondation, suite par exemple au débordement d’un cours d’eau. Ces repères peuvent être des marques anciennes, des plaques ou des marques gravées ou peintes sur les bâtiments ou des marques plus récentes comme des macarons standardisés. Les repères de crues signalent aux riverains qu’une zone a été un jour inondée et qu’elle pourrait l’être à nouveau ; ils ont donc mieux conscience des risques d’inondations. Ils permettent également de déterminer l’étendue des inondations. Ils sont donc très utiles lors de projets d’aménagement lorsque l’on souhaite, par exemple, positionner des routes ou des bâtiments hors des zones inondables. 
 
Le réseau Vigicrues a créé une plateforme collaborative pour recenser tous les repères de crues situés en France. La plateforme répertorie, en plus des repères de crues physiques, les témoignages des riverains et les marques éphémères qui sont observables juste après une inondation, comme des dépôts sur les murs ou les routes. Cette plateforme est accessible aux services techniques de l’Etat et des collectivités, aux sociétés spécialisés comme les bureaux d’études et les géomètres ainsi qu'aux citoyens. Elle permet de consulter les fiches qui décrivent les sites comme les façades des bâtiments sur lesquelles il peut y avoir un plusieurs repères de crues. 
 
Les citoyens peuvent contribuer au recensement en s’identifiant sur la plateforme. Ils deviennent alors des contributeurs et peuvent, par exemple, proposer des sites et leur attacher des repères de crues. Pour cela ils n’ont que quelques informations à remplir :
- la localisation,
- le description du site et du repère,
- la date de l’inondation,
- et ils peuvent ajouter une photographie.
 
Les professionnels, comme les services de l’Etat et des collectivités et les sociétés spécialisées, peuvent aussi contribuer au recensement en tant que contributeur expert. Dans ce cas, ils peuvent renseigner d’avantage d’informations, comme l’altitude des repères de crues. Enfin, les gestionnaires comme les services de prévisions des crues du réseau Vigicrues sont chargés d’expertiser les contributions afin de garantir la qualité des données répertoriées sur la plateforme. Ainsi, grâce à l’implication de l’ensemble des acteurs de la prévention du risque inondation, la plateforme collaborative des repères de crues constitue un outil de référence pour le recensement et la diffusion d’informations qui permettent d’avoir une meilleure connaissance des risques d’inondations en France.
 

Législation sur les repères de crues

La loi « Risques » de 2003 (article L563.3 du Code de l’Environnement) apporte une réponse au besoin de cultiver la conscience du risque et à la disparition des repères de crue en imposant aux collectivités territoriales exposées au risque :

- un inventaire des repères de crue existants ;

- l’établissement de repères correspondant aux crues historiques ou aux nouvelles crues exceptionnelles, en un nombre suffisant et visibles du plus grand nombre ;

- l’entretien et la protection des repères.

Extrait de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, dite loi « risques », article L563‑3 :
« Dans les zones exposées au risque d'inondations, le maire, avec l'assistance des services de l’État compétents, procède à l'inventaire des repères de crues existant sur le territoire communal et établit les repères correspondant aux crues historiques, aux nouvelles crues exceptionnelles ou aux submersions marines. La commune ou le groupement de collectivités territoriales compétent matérialisent, entretiennent et protègent ces repères. »

 

Par ailleurs, les repères de crue, comme les repères de nivellement ou les bornes géodésiques sont soumis à une servitude de droit public (loi 43-374 du 6 juillet 1943), et leur destruction, détérioration ou déplacement peut être puni par une amende en application de l’article 322.2 du Code Pénal.

 

Les laisses d’inondations et les témoignages

Au-delà des repères physiques, qu’ils soient historiques ou mis en place plus récemment, il est également nécessaire de considérer les marques temporaires observables juste après une inondation (parfois appelées « laisses d’inondation »). Celles-ci peuvent s’apparenter à un dépôt de matière (matières solides, sables, limons, débris végétaux, déchets plastiques, hydrocarbures), à des marques de présence de l’eau (traces d’humidité, décoloration d’un support). Selon leur origine, on peut les constater sur les murs, mais également sur des supports ajourés (grillage, clôture) sur les arbres ou simplement sur le sol.

 
● Un guide méthodologique consacré à la collecte d’informations sur le terrain suite à une inondation été élaboré par le Cerema et a été publié en mai 2017. Il est avant tout destiné aux professionnels du domaine et constitue la référence en la matière en France.
 
 
Source : Ministère de la transition écologique et solidaire - Vigicrues